Tu quoque pater

Pendant que leurs fils s’entre-dévorrent, les dirigeants du G8 mangent tranquillement des pâtes. Ont-ils planifié inconsciemment la mort de leur descendance ? Ou bien sont-ils shootés au parmesan ?

« Carlo mort à 23 ans, Mario meurtrier à 21 ans ». Le titre paru dans Libération résume parfaitement ce qui s’est joué le week-end dernier à Gênes. Une resucée pénible d’un syndrome vu et revu, de Harlem (guerre des gangs) à Mantes-la-Jolie (guerre urbaine) en passant par le Vietnâm (guerre tout court) : autrement dit deux personnes, proches par l’âge, le sexe et l’inexperience mais séparés par la barrière de la fonction, de l’histoire personnelle et de la loterie sociale ou géographique, finissent par se taper dessus à mort au nom d’une logique de système décidée d’en haut par un petit groupe de dirigeants.

The Plan

Sans embrasser forcément la théorie du complot générationnel ou politique – The Plan, comme l’appelait les Blacks du ghetto dans les années 90 pour expliquer leur progressive auto-extermination – nous sommes bien obligés d’en revenir aux faits : Carlo Giuliani, un étudiant en histoire de 23 ans, pacifiste et objecteur de conscience, a été tué d’une balle dans la tête par un jeune appelé de 21 ans, Mario P., épouvanté par la situation inssurectionnelle au coeur de laquelle on l’avait inconsciemment catapulté. Ce face-à-face sanglant entre un militant et un militaire, un pseudo-semeur de trouble et une soit-disant force de l’ordre, un étudiant et un appelé, un indigné et un paumé a pris une incroyable force symbolique, dépassant largement le seul cadre du mouvement anti-mondialisation et des dîners aux pâtes du G8.

Ressort tragique

Malgré la douleur, le père du mort a d’ailleurs tout de suite compris le ressort tragique de cette « mort accidentelle d’un extrémiste », comme l’a appelée le présentateur-remplaçant du journal de France 2. Guiliano Giuliani a en effet expliqué à la Republicca que l’appelé n’était pas responsable de la mort de son fils. « Il est l’autre victime de ce drame, a-t-il dit (…) la faute repose sur ceux qui ont envoyé ces garçons apeurés et pas réellement préparés à affronter une guerilla urbaine ». « Ces garçons apeurés… » : la phrase fait tout de suite penser, toutes proportions gardées bien sûr et, mutatis mutandis comme on dit à la revue Esprit, à ce qu’on a pu dire de jeunes appelés envoyés au casse-pipe dans n’importe quelle guerre du siècle, des poilus au Vietnam.

Resucée pénible

« Carlo mort à 23 ans, Mario meurtrier à 21 ans ». Le titre paru dans Libération résume parfaitement ce qui s’est joué le week-end dernier à Gênes. Une resucée pénible d’un syndrome vu et revu, de Harlem (guerre des gangs) à Mantes-la-Jolie (guerre urbaine) en passant par le Vietnâm (guerre tout court) : autrement dit deux personnes, proches par l’âge, le sexe et l’inexperience mais séparés par la barrière de la fonction, de l’histoire personnelle et de la loterie sociale ou géographique, finissent par se taper dessus à mort au nom d’une logique de système décidée d’en haut par un petit groupe de dirigeants.

The Plan

Sans embrasser forcément la théorie du complot générationnel ou politique – The Plan, comme l’appelait les Blacks du ghetto dans les années 90 pour expliquer leur progressive auto-extermination – nous sommes bien obligés d’en revenir aux faits : Carlo Giuliani, un étudiant en histoire de 23 ans, pacifiste et objecteur de conscience, a été tué d’une balle dans la tête par un jeune appelé de 21 ans, Mario P., épouvanté par la situation inssurectionnelle au coeur de laquelle on l’avait inconsciemment catapulté. Ce face-à-face sanglant entre un militant et un militaire, un pseudo-semeur de trouble et une soit-disant force de l’ordre, un étudiant et un appelé, un indigné et un paumé a pris une incroyable force symbolique, dépassant largement le seul cadre du mouvement anti-mondialisation et des dîners aux pâtes du G8.

Ressort tragique

Malgré la douleur, le père du mort a d’ailleurs tout de suite compris le ressort tragique de cette « mort accidentelle d’un extrémiste », comme l’a appelée le présentateur-remplaçant du journal de France 2. Guiliano Giuliani a en effet expliqué à la Republicca que l’appelé n’était pas responsable de la mort de son fils. « Il est l’autre victime de ce drame, a-t-il dit (…) la faute repose sur ceux qui ont envoyé ces garçons apeurés et pas réellement préparés à affronter une guerilla urbaine ». « Ces garçons apeurés… » : la phrase fait tout de suite penser, toutes proportions gardées bien sûr et, mutatis mutandis comme on dit à la revue Esprit, à ce qu’on a pu dire de jeunes appelés envoyés au casse-pipe dans n’importe quelle guerre du siècle, des poilus au Vietnam.

Guerrilla…

Certes, le mouvement anti-mondialisation a pris la forme d’une guerrilla, pas celle d’une guerre . Certes, il y a un mort et pas quinze mille. Certes, ca se passe dans les rues et pas dans des tranchées, dans la jungle ou dans le bled. Mais dans un monde occidental qui a éradiqué le corps à corps guerrier au profit de la violence symbolique faite aux individus via l’économie, on ne peut pas s’empêcher de penser que, même s’il ne s’agit pas d’une guerre au sens strict, tout cela ressemble violemment à une logique de guerre (il suffit de voir les images).

Pier Pasolini

Dans les rues de Gênes, une « opération de police » (comme disait les autorités françaises pour justifier et appeler la Guerre d’Algérie), a comme par hasard mal tourné pour deux jeunes victimes irresponsables et inexpérimentées pendant que huit dirigeants mangeaient des « corzetti alla ligure ». Un Italien qu’on aime bien, Pier Paolo Pasolini, écrivait : « les pères veulent faire mourir les fils (c’est pourquoi, ils les envoient à la guerre) cependant que les fils veulent tuer les pères (c’est pourquoi, par exemple, ils protestent contre la guerre et, pleins de fierté, ils méprisent la société des vieux qui la veulent) » (1).

Casse-pipe

Depuis Pasolini, la guerre économique a remplacé la guerre tout court. Le fils Carlo Giuliani a été tué par la volonté immémoriale des pères d’envoyer les fils au casse-pipe. Pasolini bis : « Il y a des époques dans le monde où les pères dégénèrent et quand ils tuent leurs fils, ils accomplissent des régicides ».